L’hôte ne peut accomplir sa mission qu’en se faisant otage de l’invité, en recevant de l’autre l’hospitalité qu’il donne
Hospitalité, volume 1, p34
C’est une loi de l’hospitalité telle que Pierre Klossowski l’a définie dans l’introduction de son livre Roberte ce soir (1953), dans le chapitre intitulé Difficultés. Pour laisser à l’invité la jouissance de sa femme, Octave, le maître de maison, doit lui-même devenir l’invité de celui qu’il invite : “C’était déjà beaucoup qu’Octave pût obtenir que l’invité apparût à la porte et qu’à l’instant même l’invité surgît derrière Roberte pour permettre à Octave de se sentir lui-même l’invité quand, empruntant à l’invité le geste d’ouvrir la porte, venant du dehors, il pouvait de là les apercevoir avec le sentiment que c’était lui, Octave, qui surprenait ma tante”. Dans cette situation, le maître de maison “devient invité par l’autre chez lui”, il “est accueilli par qui il accueille en recevant l’hospitalité qu’il donne” (Derrida). Dans ce renversement, l’invité devient invitant, et l’invitant se fait otage de l’invité.
On peut comparer cette situation à la thématique de l’otage chez Levinas. Selon Levinas, la responsabilité éthique commence quand le sujet dit : “Me voici”. Avant d’être lui-même, il se livre à l’autre, il s’y assujettit. Sans cette substitution, il ne pourrait y avoir ni pitié, ni compassion, ni pardon. Il faut que le “je”, ou le mot “je”, réponde de tous et de tout (Levinas) – c’est-à-dire qu’il se fasse garant, gage de l’autre.