La loi de l’hospitalité exige que, avant le “chez-soi”, il y ait un lieu ouvert : “le chez-soi sans chez-soi”
Adieu à Emmanuel Levinas (1997), pp56-60
Le mot “hospitalité” est assez rare dans le texte d’Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, mais le mot “accueil” est très fréquent. L’accueil, comme le visage, ne se dérive pas. C’est le premier mouvement, un mouvement de bonté. Jacques Derrida nomme ce mouvement loi de l’hospitalité. Le moi reçoit, mais ce qu’il reçoit est démesuré, au-delà de sa capacité d’accueil. Cet accueil n’est pas irrationnel : la raison elle-même est reçue “en tant qu’accueil de l’idée d’infini”, en tant qu’enseignement venant de l’extérieur.
Pour analyser ce mouvement, Levinas utilise des formulations qui “ouvrent chaque signification à son autre” : relation sans relation, passivité sans passivité, passivité plus passive que toute passivité, etc. Par cette structure (X sans X), les mots ne se ferment pas sur un seul sens. ils s’ouvrent à l’autre, comme il aura fallu une ouverture à l’autre pour accueillir l’altérité. La loi de l’hospitalité, c’est que l’accueil ne se fait pas à partir d’un chez-soi déjà établi, mais que le chez-soi ne s’établit que pour la promesse de l’accueil à venir. Ce serait un chez-soi sans chez-soi, qui “défie la chronologie autant que la logique”. Il faut une intimité pour accueillir (c’est la figure de la femme chez Lévinas), mais dans l’accueil il y a déjà cette structure ultime qui est celle de la religion, où la relation n’aboutit à aucune totalité, aucune communauté de concept : relation sans relation.