L’hospitalité n’est pas une question éthique parmi d’autres : les lois de l’éthique sont toujours des lois de l’hospitalité

Hospitalité, volume 1, p61

La question de l’hospitalité, c’est la question de savoir comment je peux exister pour l’autre tout en continuant à exister moi-même, pour moi-même. Je dois accueillir l’autre à ma place, comme arrivant, tout en acceptant que cette place, à ma place, ne sera plus la mienne. C’est la tension ou la contradiction de la sollicitude maternelle : la mère qui se soucie de la personne vulnérable, de l’enfant ou du nouveau-né, peut devenir abusive, possessive. Tout en offrant son hospitalité, elle peut exercer un pouvoir exagéré, excessif. Pour pratiquer l’hospitalité, il faut d’abord préserver sa propre identité, être chez soi. En se retirant devant l’autre, on fragilise ce chez soi qui est la condition de l’hospitalité. Ethos, en grec, c’est la demeure, le séjour habituel. On accepte de ne pas être irremplaçable, tout en ne faisant pas peser sur l’autre le poids de ce retrait. Pour qu’il y ait éthique, il faut séjourner quelque part et respecter les lois de l’hospitalité, qui ne sont pas différentes des lois de l’éthique. Si l’hospitalité est l’ethos, la culture même, l’expression éthique de l’hospitalité est redondante, tautologique. Être chez soi, même de la façon la plus égoïste, c’est déjà être en rapport avec l’autre pour se l’approprier, le contrôler, le maîtriser. C’est déjà une expérience de l’hospitalité, avec toutes ses tensions, ses contradictions.

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